Partie b

LA FRANCE EN NC : EVITER L'INDEPENDANCE, QUOI QU'IL EN COÛTE ? -Partie B-

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B) La France et les « loyalistes » : duplicités anti-indépendantistes.

Si collusion et duplicité sont pour nous avérés, la critique de schizophrénie peut paraître plus choquante. Et pourtant la France, voire la droite locale, a toujours eu beaucoup de mal à percevoir la réalité de la pensée Kanak et indépendantiste, et garde toujours en 2021 un rapport problématique avec la réalité du terrain.

Christian Blanc, dans son ouvrage « La Force des Racines Kanak », revient à plusieurs reprises sur ce manque de compréhension, qu’il attribue en partie au noyautage des renseignements généraux locaux par l’extrême droite, mais aussi à la difficulté d’avoir des contacts fiables en milieu Kanak.

L’essentiel des interlocuteurs privilégiés de l’État, influenceurs de fait, sont non Kanak et anti-indépendance. Leurs liens avec les autochtones sont superficiels et ils ne peuvent donner à la France que des clés faussées par leur incompréhension et leur volonté d’influer en leur faveur.

1) Depuis l’après guerre

il y eut d’abord les bas calculs des années 50 pour éviter de donner un droit de vote encombrant à tous les Kanak, via des droits aux seuls chefs, puis à l’élite, puis via des corps électoraux séparés.

Il y eut ensuite l’autonomie acceptée en 1958, écrasant un communisme naissant et écartant à la fois l’indépendance et les critiques onusiennes, puis rapidement confisquée dès 1963 : les Kanak redevenaient majoritaires (dans l'électorat dès 1956 -cf p535) et le Nickel devenait "stratégique". .

Il y eut surtout une politique d'immigration massive dès les années 1950, et prolongée de façon plus notoire à partir de 1972.

Les étapes « modernes » gérées par la France sont tout aussi chaotiques.

2) La Table Ronde de Nainville-les-Roches, 1983

Elle est organisée par le premier gouvernement français de Gauche, dans un contexte de colonie de peuplement avérée, de reniement en cours des promesses (vagues) de Mitterrand sur l’indépendance, de création récente d’un « Front Indépendantiste » et de revendications de terres « sans condition ». La France espère un accord qui fasse oublier le statut Dijou. Elle reconnaît aux Kanak « un droit inné et actif à l’indépendance », et reçoit en retour la reconnaissance que les Allochtones installés durablement par l’Histoire auront toute leur place dans l’indépendance.

L’État français jubile, mais voit le premier terme comme un simple principe humaniste de l’imaginaire socialiste, dont l’expression permet le passage du désir concret au simple rêve doctrinaire. Et surtout il ne voit pas le lien avec le second terme : l’accueil cordial des ‘immigrés’ n’est possible qu’à la condition de l’indépendance.

Le RPCR, lui, note le second terme mais refuse le premier et ne signe pas l’accord.

La FNSC (Centre) comprend et signe, mais avec le même but que l’État : désamorcer la revendication. Au final, ce refus et un corps électoral inique qui le materialisait, conduiront à la révolte de 1984.

3) Les Accords Matignon, 1988

Il est notable -et trop peu noté- que les révoltes 1984/88 (ce ne sont pas des "évènements") ont fortement contribué à casser plusieurs clichés répandus et à la limite du racisme :
- Le discours dominant donnait les indépendantistes comme une poignée d’agitateurs terrorisant les Kanak et sans base réelle. En 1984, c’est la stupeur le 18 novembre devant l’ampleur de l’insurrection : c’est un peuple qui se lève. Et les RG ne l’avaient pas vue venir.

- Autre cliché, les kanak sont timides et peureux. En 1988, c’est de nouveau la stupeur à Ouvéa : alors que depuis 4 ans, les leaders de droite pointaient le laxisme socialiste comme responsable principal d’une rébellion qu’ils faciliteraient ainsi, la détermination des jeunes Kanak face à l’armée française ébranle définitivement ces certitudes. La peur change de camp, définitivement.

Les Accords Matignon sont un soulagement pour tous, après 4 années de stress insurrectionnel extrême pendant lesquelles a été tenté sans conviction puis abandonné par Mitterrand un projet d’indépendance-association (1985/86), avec un corps électoral qui ne l’aurait pas permis.
Entre-temps, Pisani a fait assassiner Eloi Machoro (tout en jurant qu’il n’y était pour rien), comme l’admet enfin C . Blanc son second d’alors qui avait transmis l’ordre (cf Ouvrage pré-cité).

Mais là encore, l’idée est à la procrastination, contraire aux préceptes de l’ONU : le pays n’est pas prêt à l’indépendance, un « rééquilibrage » éducatif, politique, économique et social la remplace.

Michel Rocard est porté aux nues par beaucoup, ce qui se comprend après les années de cendre de B. Pons. Mais l’on oublie trop vite sa duplicité : il voulait ainsi désamorcer l’indépendance, pas la préparer, et l’a d’ailleurs dit en périphrases à plusieurs reprises.

Les indépendantistes font la grimace : ils avaient mandaté J-M. Tjibaou à Paris pour un calendrier d’accès, mais Mitterrand tient lui aussi à une certaine 'grandeur' de la France (il envisagera même la création d’une base pour sous-marins nucléaires à Nouméa !). Ce sera donc 10 ans de 'remise à niveau' avant un 'examen' référendaire en 1998. J-M. Tjibaou y laissera sa vie…

4) L’Accord de Nouméa (ADN), 1998

A nouveau, cet accord souligne une nouvelle procrastination : vous n’êtes toujours pas prêts, alors acceptez de renoncer au référendum d’autodétermination pourtant constitutionnellement prévu en 1998, et donc ainsi reporté de 20 ans - au moins.

Mais les indépendantistes s'inclinent devant la demande pressante de la France et du RPCR :

- D’une part les dirigeants réalisent que Rocard leur a menti : il avait calculé pour eux que l’évolution démographique leur serait favorable, ce n’est clairement pas assez le cas pour gagner.

- Et puis, syndrome de Stockholm ? Ils conçoivent en majorité que, contrairement à ce qu’écrit l’ONU, l’impréparation peut en l'espèce justifier de différer à nouveau l’indépendance, pourvu qu'elle soit avérée in fine. Ce que l'on va faire miroiter.

- Car aussi la musique de cet accord est radicalement différente : il ne prépare pas à améliorer les conditions de vie comme le précédent, il prévoit l’accès progressif et ensemble à l’exercice de compétences nouvelles, et la pleine souveraineté est prévue au bout, avec trois votes successifs finaux pour l’entériner, en cas d’hésitation du corps électoral, et deux ans possibles entre chacun pour faire de la pédagogie et convaincre.

Mais voilà, 23 ans plus tard, du fait d’une désinformation forcenée (voir partie C), le compte n’y est pas. Beaucoup ignorent même les points clé du texte de l’ADN, pourtant plutôt court (8 pages). Voici des éléments de sa quintessence politique, la plupart battus en brèche, et qui démontrent clairement la promesse signée et non tenue, voire combattue :

- « poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d'origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine ».

- « un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté (…) La France est prête à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie ».

- La « reconnaissance de sa souveraineté [du peuple Kanak -ndlr], préalable à la fondation d'une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun ».

- « une solution négociée, de nature consensuelle, pour laquelle ils appelleront ensemble les habitants de Nouvelle-Calédonie à se prononcer (…) Cette solution définit (...) les modalités de son émancipation ».

- « Les institutions de la Nouvelle-Calédonie traduiront la nouvelle étape vers la souveraineté ».

- [les compétences régaliennes -ndlr] « resteront de la compétence de l’État jusqu'à la nouvelle organisation politique résultant de la consultation des populations intéressées ».

- « des Néo-Calédoniens seront formés et associés à l'exercice de responsabilités dans ces domaines [régaliens, ndlr], dans un souci de rééquilibrage et de préparation de cette nouvelle étape ».

Et la phrase clé de l'édifice (dont l'apposition 'à la fin de cette période' est elle même à souligner) : 
- « L’État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une complète émancipation ».

L'ADN est maintenant en passe de voir son "testament" balayé par le pouvoir pour poursuivre ses desseins. 
La collusion Etat / Loyalistes dans la duplicité anti-indépendance dispose de moyens puissants et pour la plupart injustes.
C'est ce que nous verrons dans la prochaine partie.

LIRE TROISIEME PARTIE (SUR 4) : 

C) Le pays serait déjà souverain, si les dés n’étaient pas pipés

 

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