SQUATS 2021 : BIENTÔT DROIT DE CITÉ ?
- Par lindependant
- Le 31/12/2020
- Dans Social / Santé
- 2 commentaires
Présentation :
Les ‘squats’ méritent d’être mieux compris, voire soutenus. Par leur discrétion, par l’idée trop répandue d’illégitimité voire d’occupation usurpée, ils sont peu connus voire méconnus. Ils sont ainsi vus comme suspects par tous ceux, et ils sont nombreux, qui ne les connaissent pas et souvent n’y ont pas mis les pieds, craignant parfois sans aucun fondement une agression. Inversement, c’est souvent un sentiment de culpabilité ou d’impuissance qui nous fait détourner le regard ou l’esprit.
Nous avons donc plaisir à publier le document ci dessous, à la fois pour balayer ces clichés inappropriés de rejet, pour donner la parole aux acteurs et expliquer leur situation, et bien sûr pour apporter ainsi notre modeste contribution à l’amélioration de leurs situations.
Sur des questions coutumières qui évidemment nous dépassent, nous transmettons simplement pour information des éléments qui nous sont parvenus, sans prendre parti ou juger.
Cette analyse est une recherche précise, étayée, honnête et nous l’espérons de progrès, car nous avons un parti pris : il faut trouver les bonnes solutions pour réhabiliter les « squats » !
Sommaire
A. LES ‘SQUATS’ DU GRAND NOUMÉA
1/ Les raisons 2/ L'organisation 3/ Les habitants 4/ La vie quotidienne
B. LES ‘SQUATS’ DE NOUVILLE
1/ Présentation des «tribus» de Nouville 2/ Les associations et le Collectif
C. LES ‘SQUATS’ de KAWATI et de CAILLOU BLEU
1/ Squat de Kawati 2/ Squat de Caillou Bleu
D. RÉSORBER LES SQUATS OU LES AMÉNAGER ?
1/ Des politiques fluctuantes 2/ Abandonnés par les institutions ?
3/ Les enjeux d’aménagement et la reconquête de la ville
4/ Comment aménager ces territoires ?
E. LA PROPOSITION DE LOI DU PAYS n° 42 DU 22/09/2020 déposée au Congrès
1/ Les textes 2/ Conclusion
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A. LES ‘SQUATS’ DU GRAND NOUMÉA
La réappropriation foncière dans le Sud a été débordée par l'habitat spontané (ou squat), essentiellement dans le grand Nouméa : les habitations construites spontanément sur des terrains vagues du Grand Nouméa sont une particularité tolérée du tissu urbain. Leur fragilité tient davantage au contexte politique, ethnique et foncier, qu’à leur nature d'enclaves informelles dans la ville.
1) LES RAISONS
Les valeurs de Nouméa "ville blanche", justifiées par le Code de l’indigénat en vigueur jusqu’en 1946, se sont construites dans l’histoire par la volonté des colons d'exclure les Kanak de la ville.
Les premiers squats spontanés de Nouméa sont nés ensuite, par la volonté de certains océaniens de pratiquer une petite agriculture en ville : les premiers squatteurs ont été des petits maraîchers urbains qui ont aménagé des parcelles de cultures vivrières sur des terrains en friche et y ont construit une « cabane » pour entreposer les outils et produits de jardinage.
Puis la cabane est peu à peu devenue un lieu de séjour pour les parents et amis de passage. Enfin, l'absence ou l’inadaptation des logements a souvent fini par pousser le cultivateur à s'installer définitivement sur sa parcelle, et donc à améliorer la qualité de son nouvel habitat.
Par la suite, les besoins de main-d'œuvre pour le nickel, le bâtiment et le développement de la ville, ont été à l'origine de l'arrivée d'une main d'œuvre peu qualifiée et peu chère composée de Kanak venant de brousse mais aussi de Wallisiens et Futuniens.
Ces communautés étaient au départ établies dans les grands ensembles ouvriers de la périphérie urbaine, mais le nombre de logements sociaux a toujours été insuffisant et leurs aménagements totalement inadaptés aux pratiques des océaniens, qui ont investi peu à peu les espaces plus centraux laissés vacants par la croissance anarchique de la ville, avec des motivations multiples : réduire l’éloignement travail/logement, diminuer des frais de logement prohibitifs, reconstituer un espace de vie semblable à la tribu, etc.
Aujourd'hui, les logiques combinées de l'accroissement démographique des populations océaniennes, de la saturation du marché immobilier, et de son inadéquation, laissent entrevoir le développement de nouveaux squats dans les espaces vacants du centre puis des périphéries.
2) L'ORGANISATION
a) Foncier
Beaucoup de terrains de squats appartiennent à l’État, à la Province Sud où aux mairies, ce qui, on le verra en examinant les revendications foncières auxquelles ces occupations donnent lieu, n'est pas une coïncidence.
b) Implantations
Ces habitats spontanés sont établis sur le versant de collines qui tournent le dos à la ville, au creux des vallées où ils sont peu repérables, en bord de mer ou dans la mangrove où ils ne sont visibles que depuis le large. Plus que de discrétion, il s’agit d'échapper aux diverses nuisances de la ville.
c) Emplacements et premier occupant
Le mode d'attribution des lots dans le squat reflète les règles foncières traditionnelles : comme en tribu, les droits du premier occupant sont prééminents ; celui-ci est reconnu par la population comme étant le « chef coutumier » du squat. Il revient à ce chef, en échange d'un « geste coutumier », de distribuer les lots d'habitation et de cultures aux nouveaux arrivants. Autre correspondance, l'attribution des terres du squat aboutit à des regroupements géographiques qui respectent les liens familiaux et les affinités claniques.
d) Lieux de rencontre et de socialisation
Les squats sont surtout des lieux de vie commune, et ont à ce titre une organisation particulière de l'espace. L'espace collectif est d'abord constitué par quelques pistes connectées à la voirie urbaine qui permettent l'accès aux voitures, et par de nombreux sentiers piétons pour desservir chaque habitation.
L'ensemble des fonctions de la maison rurale sera reconstitué à l'intérieur des habitats. Dès qu'ils ont construit une cabane, même vétuste, ces habitants récupèrent les arrière-cours, installent des appentis, font venir leur famille, et forment des ensembles cohérents d'habitats ruraux dans Nouméa.
Les squats comportent parfois des lieux de prière, des aires sommaires pour jouer au volley et à la pétanque, des auvents réservés au bingo. Ils comprennent tous des nakamals où l'on se retrouve pour consommer du kava, rare loisir réellement océanien. Bingos et nakamals, très nombreux dans ces endroits, jouent une fonction évidente de rencontre et de sociabilité.
Les habitants essayent ainsi de reconstituer en ville l'habitat dispersé qui est le leur, en opposition au modèle européen. Mais ce sont tout de même des lieux où les gens sont marginalisés à l'intérieur de leur propre société. Ils perçoivent que la ville ne leur appartient pas, qu'ils sont condamnés à n'être qu'à sa périphérie, à rester invisibles, et cela crée des imaginaires de fatalité.
e) Les habitations
Il en existe plusieurs types, depuis la simple cabane de tôles rouillées posées sur la terre battue, dépourvue de fenêtre et de mobilier, jusqu'à ce qu'on peut appeler une véritable villa en bois, béton et tôles neuves, équipée du confort, de l'électroménager, voire de Canal+.
Comme en tribu, l'habitation est composée de plusieurs blocs aux fonctions distinctes, l'un réservé à la résidence, les autres aux douches, cuisines et parfois latrines. Le corps de la maison comporte généralement une pièce commune, toujours assortie d'une véranda, et une ou plusieurs chambres. Tôle et bois sont les matériaux les plus courants, dont la taille, la qualité et le confort varient grandement.
f) L'agriculture en ville
Chaque lot est entouré d'un espace assez vaste pour le jardinage et la culture : on y plante, comme dans tous les jardins de l'Océanie, des plantes ornementales et médicinales, des arbres fruitiers, du manioc, des ignames, des légumes, etc. La majorité des foyers pratique une agriculture « opportuniste » qui les rend quasiment auto-suffisants. Très peu disent acheter des fruits ou des légumes et tous semblent se féliciter de leur autonomie sur ce plan.
g) Le contrôle des coutumiers
Tout comme les clans en tribu, chaque unité sociale a son autonomie ; le pouvoir y est détenu par les coutumiers maîtres de la terre. Un mouvement coutumier, situé dans la mouvance indépendantiste, ambitionne d’ailleurs de rendre aux espaces du sud de la Grande-Terre leur identité pré-européenne. La principale revendication porte sur la restitution non pas de terrains bâtis dans la ville, mais des terres non bâties du grand Nouméa qui correspondraient aux territoires actuels des squats.
3) LES HABITANTS
a) Répartition de l'espace
Contrairement à une idée répandue, les effectifs des squatteurs ne sont pas uniquement alimentés par des arrivées récentes dans la ville : près des 2/3 d'entre eux sont installés dans le Grand Nouméa depuis plus de 15 ans. C’est donc plutôt 'un phénomène de redistribution de l'espace citadin. Auparavant reléguées en cités, ces océaniens recherchent une vie plus conforme à leurs habitudes.
b) 3 000 familles
En 2020, quelques 10 000 personnes correspondant à environ 3 000 familles vivent dans plusieurs dizaines de squats à la périphérie du Grand Nouméa, qui continue de concentrer emplois et richesses. 97 % sont océaniens : 50% Kanak, 30% Wallisiens et Futuniens, 17% Vanuatais. Nouméa et Dumbéa regroupent la quasi-totalité de ces habitats spontanés :
Sur Nouméa : Nouville / Kaméré / Logicoop / Tina / Le Caillou bleu (la moitié)
Sur Dumbéa : Kawati (La presqu’île océanienne) / Péage / Débarcadère / Le Caillou Bleu (la moitié)
c) La population
La population des « cabanes » se compose en grande partie de jeunes ménages avec enfants, ayant au moins un actif. Sous équipée, sous-qualifiée et laissée-pour-compte, vouée aux professions les moins gratifiantes, elle représente le véritable prolétariat de Nouméa et sert son développement. Elle est très pauvre car les métiers exercés requièrent en général peu de qualifications. La moitié des femmes actives sont femmes de ménage, presque toutes à temps partiel, ce qui ne leur procure qu'un faible apport financier.
Presque tous les enfants sont scolarisés.
Cette population urbaine autochtone augmente : une centaine de familles nouvelles arriverait chaque année, avec beaucoup de jeunes, et se bat pour défendre son droit d'habiter dans la capitale.
L’ancienne présidente de SOS logement, Evelyne Lèques, raconte leur quotidien: "Les plus souffrants viennent parfois nous voir, ce sont des personnes qui vivent entassées à trois familles dans la même cabane. Des couples avec enfants qui n’ont jamais eu une chambre à eux, qui n’ont pas d’intimité et qui, dans ces conditions, ont beaucoup de mal à éduquer convenablement leurs petits. L’idée qu’ils viennent de débarquer de la brousse est complètement fausse, car ils sont nés à Nouméa. Les parents ont une cabane, les enfants grandissent et restent, car ils ne trouvent pas d’appartement. S’ils veulent quitter le domicile familial, où trois générations vivent parfois les unes sur les autres, ils ont peu de possibilités. Le problème de base, c’est la pénurie de logements. Ils ressentent une injustice, d’autant que beaucoup travaillent. Ce qu’on voit n’est pas acceptable du point de vue de l’hygiène et de la santé. Des familles vivent aussi dans des tentes, j’ai honte parfois".
4) LA VIE QUOTIDIENNE
Dans certains squats comme celui du Débarcadère à Dumbéa, la vie est vraiment infernale : route défoncée et systématiquement submergée par temps de pluie, enfants arrivant boueux devant l’arrêt de bus pour le ramassage scolaire et surtout absence d’eau potable.
a) L'eau
Seuls quelques squats ont l'eau potable. Les 2/3 n'ont pas d'eau et il n'est pas rare que leurs habitants fassent plusieurs kilomètres pour aller remplir leurs bidons à un robinet public. Certains vont, à plus de 20 minutes à pied, au robinet de la station d’épuration de Koutio ; certains se font régulièrement apporter des bidons par la famille logée en ville, et ceux qui ont des voitures vont chercher l'eau gratuite à la fontaine d’eau de source du Mont Dore, à une vingtaine de kilomètres de Nouméa ; d'autres vont aux douches et fontaines publiques des plages, ou chez leur employeur, ou souvent récupérent l'eau de pluie.
b) L'électricité
Rares sont les squats qui sont raccordés au réseau EEC. Les habitants s'éclairent à la bougie d'où de multiples incendies accidentels. Sans électricité, pas de frigo ni de congélateur. Certains possèdent un groupe électrogène, d'autres ont posé des panneaux solaires sur leur toiture.
c) Les toilettes
Peu de foyers possèdent des latrines en dur ; beaucoup vont dans la brousse faire leurs besoins. La plupart ont construit des latrines à fosse simple ou "toilettes kanak", constituées d'un trou d'environ 1m3 recouvert de planches. Quand le trou est plein, les résidents refont la même chose en amont.
d) Les ordures ménagères
A Dumbéa, les habitants des cabanes ont obtenu de bénéficier du ramassage des ordures par la mairie.
En revanche, dans les squats de Nouméa, la municipalité refuse de ramasser les ordures ménagères, sous prétexte que le foncier ne lui appartient pas. Ainsi, ces habitants sont obligés d'aménager, à l'écart des maisons, des petites fosses dans lesquelles les déchets sont entassés puis brûlés. Mais cela attire les rats et augmente le risque d'attraper des maladies comme la leptospirose surtout si on marche pieds-nus comme beaucoup d'enfants des cabanes. Jamais les détritus ne se retrouvent épars dans le squat lui-même.
e) L'hygiène
S'il est vrai que certains squats situés dans des zones humides sont des lieux insalubres où les habitants doivent vivre au milieu des cafards, des rats et des moustiques, la majorité des autres squats sont relativement propres. Même si la salle de bain se résume souvent à un jet d'eau (froide).
f) La recomposition sociale
Les squats sont des lieux importants de recomposition sociale entre prolétaires porteurs d’une culture non européenne. Ainsi, le clivage Kanak-Wallisien longtemps attisé par les colons qui utilisaient ces derniers comme milice contre les indépendantistes ne joue plus dans ce contexte. Lorsque se constituent des fronts à la base dans les entreprises avec I’USTKE ou dans les squats de façon autogérée, les clivages ethniques sont dépassés, avec un adversaire unique qui devient le patronat, les propriétaires fonciers ou l’État selon le cas.
B. LES ‘SQUATS’ DE NOUVILLE
1. PRESENTATION DES « TRIBUS » DE NOUVILLE
Les habitants des squats n'aiment guère qu'on utilise le mot « squat » car toutes les constructions et leurs annexes ainsi que certains des réseaux d'eau ont été construits par les habitants eux-mêmes et ils considèrent que c'est à eux. Seul le terrain sur lequel sont construites les habitations ne leur appartient pas (comme c'est le cas en tribu ou le foncier est collectif). Ainsi ils préfèrent qu'on parle de tribu en ville. De la même façon, le mot cabane apparaît péjoratif pour un grand nombre d'entre eux.
a) Les populations
En décembre 2020, sur la presqu’île de Nouville, il existe 6 zones d'habitat spontané, chacune représentée par une ou plusieurs associations, certaines très dynamiques, d'autres en sommeil. On décompte 448 habitations correspondant à environ 1584 personnes regroupées au sein de 8 associations.
b) Le Foncier
Tous les squats de Nouville se situent sur le domaine public.
c) Les conditions de vie
Tous les squats de Nouville ont l'eau potable. Aucun n’a l'électricité publique. Les moins pauvres ont acheté un groupe électrogène, une minorité a posé des panneaux solaires sur les tôles de sa toiture.
Presque tous ont fait des "toilettes kanak". Certains ont implanté des fosses septiques sauvages.
Situés en zones sèches et bien que ne bénéficiant d'aucun confort, ces habitats spontanés sont d’une grande propreté, surtout grâce à la volonté des femmes et des associations locales.
Par contre, tous ont des problèmes pour l'évacuation de leurs poubelles du fait du refus de la municipalité de Nouméa précité.
d) La solidarité
Les bingos clandestins sont une spécificité locale. Plusieurs fois par semaine, les mamans se réunissent pour
jouer au bingo, version calédonienne du loto. Elles jouent pour être ensemble mais surtout par solidarité, pour payer les factures d'eau impayées, financer l'achat de cadeaux aux enfants pour la fin de l'année, ou venir en aide à une famille en détresse, etc. Cette notion de solidarité, majeure à l'intérieur des squats, est représentative de l'identité de ses occupants océaniens.
e) Un sentiment d'abandon
Marginalisés, ces gens se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. Les bénévoles du Secours Catholique sont les seuls visiteurs que les habitants disent avoir vu depuis plus de 3 ans.
2. LES ASSOCIATIONS et LE COLLECTIF
a) Association " ILE NOU"
C’est la plus ancienne association qui existe depuis la création du premier squat. Elle comprend 64 familles regroupant 189 habitants (128 adultes, 37 garçons et 24 filles de moins de 15 ans) ; Clarisse Itrema en est la présidente. Avec un bureau élargi en 2019, elle est très dynamique. Le vieux coutumier Joseph Nekaré, très écouté de toutes les parties est le principal conciliateur.
Dans cette zone les habitants eux-mêmes ont construit et financé les canalisations d'adduction et de distribution d’eau avec l'aide financière -un prêt sur 3 ans- du Secours Catholique. Deux compteurs généraux sont gérés par la compagnie des eaux (CDE) qui adresse des factures globales aux associations.
Pour les loisirs, l'association regrette l'absence de maison de quartier à proximité.
Le 01/12/2019, une équipe de télévision de "NC la 1ère" est venue à Nouville pour filmer, et donner la parole aux habitants du secteur. Le 20/12/2019 une messe servie par le père Sao s'est tenue au local commun préalablement décoré par les habitants ; elle a été suivie de l'arrivée du Père Noël et de la remise de cadeaux offerts par le Secours Catholique pour une centaine d'enfants. La journée festive s'est terminée par un repas partagé organisé par l'association.
b) Association "MELAWALLI"
Elle regroupe 131 familles pour 686 habitants dont 36 enfants de moins de 15 ans ; Laurenza Vaisioa en est la présidente. Elle s’occupe surtout de la gestion de l'eau potable de son secteur (comprenant un compteur général et 67 compteurs particuliers). Elle règle le montant total des consommations à la CDE sur la base de la consommation du compteur général mais elle doit au préalable récupérer le montant des factures des 67 particuliers. Face à des factures exorbitantes consécutives à diverses fuites et compteurs défaillants, parfois à des vols d'argent qui devait rembourser des factures, il y a de grosses difficultés.
c) Association “JDN”, Jeunes De Nouville
Il y a quelques années des promesses avaient été faites à l'ancienne association des jeunes par le gouvernement, jamais concrétisées : aides, sorties, éducateur sportif, etc. Découragée, l'association a perdu de sa crédibilité et certains jeunes ont fait des bêtises. Aujourd'hui, une nouvelle association dénommée JDN “Jeunes De Nouville” présidée par Tatiana Telaï souhaite relancer les activités culturelles et sportives, et s'investir aussi dans la problématique du ramassage des ordures.
d) Association "BAIE DE NOU"
Elle regroupe les familles situées dans la plaine au sud de la route de l'hôtel Kuendu Beach, et comprend 85 familles pour 220 habitants dont 60 enfants de moins de 15 ans. Paulain Boewa en est le président.
Les habitants de ce secteur ont l'eau potable à partir du réseau privé de l'hôtel Kuendu Beach ; ils sous-traitent un branchement d'eau à l’association "Téréka Océanie" ce qui engendre des conflits entre ces deux associations, pour la gestion de l'eau et le paiement des utilisateurs.
Les familles n'ont pas l’électricité. Le 5 octobre à 23h, une bougie a déclenché un incendie accidentel qui a provoqué l'explosion de bouteilles de gaz et complètement détruit une cabane dont les habitants ont tout perdu. Un homme a été brûle au 2ème degré en voulant sauver sa voiture des flammes. La solidarité du squat pour accompagner cette famille semble acquise.
e) Association "TEREKA OCEANIE"
En 1877, pour surveiller l'entrée de la rade de Nouméa, l'armée construisit le Fort Téréka à l'extrémité nord de l'île Nou avec sa batterie d'artillerie. Aujourd'hui abandonné, il a été classé aux monuments historiques en 1978 et il est devenu un site touristique.
Le squat se situe à l'est de l'hôtel Kuendu Beach et comprend 83 familles regroupant 227 habitants dont 101 enfants de moins de 15 ans. L’association a pris le nom du Fort, et s’est restructurée en 2017. Louis-Joël Wamo en est le président.
Il n’y a pas d'électricité, et seulement quelques groupes électrogènes. Tereka Océanie doit rembourser le prix des consommations d'eau de ses utilisateurs à l'association Baie de Nou, seule gestionnaire du contrat d’eau vis à vis de l’hôtel Kuendu Beach, lequel a le seul point d’eau potable du secteur. Mais comme dans tous les secteurs où il n’y a pas de compteur individuel, l’association fait face à de nombreuses personnes qui ne payent pas leur consommation.
Des bingos ont permis d’offrir un Noël 2019 aux enfants : cadeaux, goûter, water-slides...
L’association souhaite retaper la maison commune, construire un petit local et acheter un groupe électrogène. Un Conseil coutumier gère les problèmes ; le président est Joseph Vakoumé.
Le 03/11/2019, une équipe de "NC la 1ère" est venue filmer et donner la parole aux responsables et habitants du secteur. Ceux ci les ont accueillis très chaleureusement (décorations, collations, animation musicale, etc.), montrant ainsi toutes leurs attentes. Habitués à ne voir personne, ils témoignèrent qu'ils étaient abandonnés par les pouvoirs publics.
f) Association "LES 3 FLAMBOYANTS"
Située en face du Sénat Coutumier, cette association comprend 37 familles regroupant 118 habitants ; Georges CHEINON en est le président. La mairie de Nouméa a installé l’eau potable en 2018 avec un compteur général et 34 compteurs individuels à clefs, payés 5000 F chaque. Il n'y a pas de problème de facture impayée, chaque famille ayant son compteur, fermé en cas de défaut de paiement. Certaines maisons ont des panneaux solaires et plusieurs possèdent un groupe électrogène.
Pour les toilettes, la plupart des résidents ont fait un grand trou sans fosse septique.
Le principal problème est qu’il n’y a aucun ramassage des poubelles par la mairie, bien qu'ils soient à côté de la clinique Magnin. Ils demandent un petit container que les éboueurs municipaux videraient toutes les semaines, et proposent de réaliser une dalle en béton pour le recevoir. Ils sont même d'accord pour payer une taxe d'assainissement pour le ramassage des ordures ménagères mais la mairie ne leur répond pas.
Le 1/12/2019, "NC la 1ère" est venue filmer/interviewer un résident dans son jardin.
g) Association "SOLEIL COUCHANT"
Tania ATTI est la secrétaire de l'association qui se situe au sud du centre de détention pénitentiaire ; elle comprend 48 familles regroupant 144 habitants. Toutes les maisons ont l'eau potable depuis 5 ans : les canalisations ont été réalisées par la mairie, toutes les maisons ont leur compteur, et il n'y a pas de facture d'eau impayée. Le principal problème est le ramassage des ordures : un camion de la mairie va tous les jours au fond du squat récupérer les ordures du stand de tir, mais la mairie refuse de prendre les sacs du squat !
h) Le Collectif "JOANNES"
Créé en 2015 quand le Territoire a décidé de construire la clinique et le Sénat Coutumier, ce collectif se veut représenter les descendants des familles assises coutumièrement sur l'île Nou. Il a rédigé un projet détaillé d'aménagement spatial et de développement de l'île Nou résumé ainsi :
« Les familles assises coutumièrement sur l'île Nou ont la ferme volonté de prendre part à l'aménagement de leur lieu de vie et souhaitent aménager, développer, contribuer à la décence et à la pérennisation de leur habitat. Elles sont pour ce projet force de proposition, partie intégrante et active du futur schéma d'aménagement de la zone ».
« Les institutions Calédoniennes prennent des décisions inadaptées au contexte social, culturel et environnemental de la N.C. »
« La volonté de bétonner l'île Nou, d’en faire un quartier bourgeois et touristique, est une hérésie. Ici, les habitants veulent montrer au reste de "Nouméa la blanche" qu'il est possible de vivre dignement et en harmonie avec d'autres normes. L’île Nou, c'est la chance pour Nouméa de faire une place au monde Kanak / Océanien, de vivre des pratiques coutumières dans une capitale moderne. Dans la continuité du chemin de paix et de rééquilibrage engagé il y a plus de 30 ans, l'île Nou doit devenir un écoquartier Océanien à vocation agro-écologique, patrimoniale et sociale ».
Le collectif a présenté une liste détaillée de projets que la population de l'île Nou souhaite faire émerger dans des domaines ciblés : agriculture, transformation des produits agricoles, stockage et valorisation des déchets verts, reboisement, case des enfants du Pays, marché, activités touristiques, amélioration des équipements et du cadre de vie. Et il conclut : « les possibilités d'un développement et d'un aménagement harmonieux, respectueux et attractif sont multiples et à portée de main ».
Ce projet a été adressé le 23/08/2018 au Président de la Province Sud, P. Michel, au Président du Gouvernement, P. Germain, et à la Maire de Nouméa, S. Lagarde, sans réponse selon l’association.
Mais pour la première fois, la mairie a intégré le Collectif avec les 3 associations (Téréka Océanie, L'Ile Nou, Les 3 Flamboyants) pour assurer la restauration lors du "Nouméa-Plage 2020" sur la plage du Kuendu-Beach, du 09/01 au 7/02/2020 (Il se tenait habituellement à l’anse Vata). Ainsi, les enfants des squats de Nouville ont pu bénéficier gratuitement des installations de loisirs et de jeux mises en place, et les associations ont bien contribué au succès de l’opération.
C. LES SQUATS de KAWATI et de CAILLOU BLEU
En janvier 2011, lors de la dépression tropicale forte Vania, les squats de Koutio, en particulier le "Caillou Bleu", ont vu l’inondation et la destruction de leurs cabanes.
Quelques semaines plus tard, avec une importante délégation, Pierre Frogier, alors président de la province sud avait visité "Kawati" et "Caillou Bleu" en présentant un projet de réhabilitation pour les 174 familles : "Cela fait 15 ans que nous construisons des habitats sociaux sans avoir pour autant résolu le problème des squats. Aujourd’hui, il nous faut penser différemment. Les familles océaniennes ont du mal à s’épanouir dans un appartement d’immeuble et à adopter un mode de vie à l’occidentale. La province Sud et les communes doivent réfléchir pour améliorer la vie quotidienne des familles qui ont décidé de vivre dans ces zones".
Diverses réunions se sont tenues avec Pierre Frogier, le maire de Dumbéa Georges Naturel, des élus provinciaux et municipaux, et les habitants des squats venus nombreux. Étaient visés : "Caillou bleu", "Kawati", "les Gaïacs" et "Ko We Kara".
Mais après que l’État ait débloqué 700 millions, la Province Sud a travaillé sur l'unique projet "Kawati", présenté comme pilote. Avec pour objectif d'améliorer les conditions de vie en échange d’une redevance en fonction des revenus et de la superficie des terrains. Les travaux, qui ont démarré en janvier 2013 pour se terminer en 2016, concernaient les routes, la sécurisation des accès, la pose de conduites d’eau et du réseau électrique, la mise en place d’abribus scolaires, d’assainissement, de blocs sanitaires avec douche, coin vaisselle, et emplacement machine à laver.
1) SQUAT DE « KAWATI » RÉNOVÉ et RENOMMÉ la « PRESQU’ÎLE OCÉANIENNE »
Situé à l’ouest de la voie express, entre le squat du Caillou bleu au sud et celui des Gaïacs au nord, le squat de Kawati couvre 14 ha. C'est le plus peuplé de Dumbéa. Après des années de polémiques et de batailles juridiques entre partis et institutions, ses habitants ont pu enfin profiter de leurs nouveaux équipements.
En 2012, le tribunal administratif déclarait la Province Sud incompétente car elle empiétait sur les compétences d’urbanisme du Congrès NC. Le conseil d’État confirma.
Alors la province adopta une nouvelle délibération, en se fondant sur la gestion domaniale, pour ce même projet ! M. Leclercq, directeur de la SEM Agglo rappelait « il s’agissait de trouver le bon équilibre entre des conditions de vie décentes et un aménagement du terrain qui, à terme, pourra accueillir des constructions ».
Qu'en pensent les résidents aujourd'hui ?
Globalement, ils semblent satisfaits. Toutes les personnes rencontrées assurent que leur quotidien s’est nettement amélioré.
Pour Paulette, 56 ans, qui vit dans sa petite maison de tôles depuis 15 ans, l’arrivée du courant et des sanitaires a été une petite révolution. « Ces travaux, ça a tout changé. Le plus important, c’est d’avoir enfin des toilettes et une douche. Avant, on était obligés d’aller dehors. Et pour l’électricité, on fonctionnait avec le groupe électrogène, mais on devait acheter l’essence, ça coûtait très cher. Aujourd’hui, je donne 5 000 F pour l’électricité et 2 106 F pour l’eau. Ça vaut vraiment le coup ».
Maria, 47 ans, vit ici depuis 1994. Malgré un train de vie modeste, elle s’estime privilégiée. « On a de la chance d’avoir tout ça. On a des amis qui n’ont rien dans les autres squats. Ici, on peut se servir de la machine à laver, du frigo, du congélateur et de la télé » précise Maria, qui ne s’imagine pas abandonner son bout de terrain. « On a vu nos enfants grandir ici quand il y avait le noir, alors depuis qu’on a la lumière, on a encore moins envie de partir ».
Mais les 5 associations de la Presqu’île Océanienne ("Kawati", "Enfants et l’eau", "Eau vie", "Les Lilas" et "Aide aux plus malheureux") n’ont pas ce point de vue. Certains ont le ressenti d’avoir été escroqués.
La présidente de l’association Kawati est satisfaite du travail effectué sauf pour le montant du loyer du foncier où elle habite. « On paye 1000 F par are. Ceux qui ont plus de 20 ares, ils payent une somme importante pour nos revenus. Normalement, je n’ai pas à payer de loyer puisque c’est une terre revendiquée par le clan Kamoindji. Une coutume avait été faite en ce sens. Le clan nous l’a assuré. »
Mais la présidente de l’association Aides aux plus malheureux, ne tient pas le même discours. "Pourquoi ceux qui vivent ailleurs payent et pas nous ? Dans l’opération était compris le fait de payer des redevances. L’eau et l’électricité fonctionnent par forfait. Il y a le loyer du foncier, 1000 F l’are à partir de 6 ares. Enfin, il y a le loyer de l’habitation. Cela fonctionne comme une feuille d’impôt. Plus il y a de personnes qui travaillent et vivent au même endroit, plus le loyer augmentera. L’avantage est que ceux qui se déclarent ont accès à des programmes de relogement".
Paulette, arrivée en 2002, habite en cabane avec son mari et un de ses fils. Elle reconnaît que son quotidien s’est amélioré mais elle aimerait habiter un logement social. « Ici, c’est bien pour les gens en bonne santé. Mais comme mon mari est malade, c’est difficile de vivre dans ces conditions. Et en plus les médecins et les infirmières ne viennent presque jamais ».
Michel, président de l’association Destin de l’enfant, pointe plutôt le manque de considération. « C’est bien ces sanitaires. Mais tu y es déjà rentré ? Un enfer avec cette chaleur, et ils sont minuscules. Ce sont des trucs pour les chantiers. Tu sais pourquoi ils les ont construits à l’extérieur ? Pour pouvoir les enlever facilement une fois que tu seras parti. La province et nous n’avons pas la même définition du mot réhabilitation ».
A l’extérieur de la "Presqu’île Océanienne", les habitants des cabanes sont en colère : pas de route goudronnée ni de bloc sanitaire flambant neuf et toujours les mêmes problèmes ! On vient de passer une frontière invisible, celle qui sépare "Kawati" des squats "Gaiacs" et "Caillou bleu".
2) SQUAT DU "CAILLOU BLEU"
Il est situé de part et d'autre de la limite communale Nouméa / Dumbéa.
Dans la partie sud, Ludovic Salasio, un ancien du squat qui y vit avec sa famille depuis 1992, explique que de nombreuses personnes âgées vivent dans des conditions indécentes et qu’en 2020, dans les 2 parties du squat, « il n'y a pas d'eau, pas d'électricité, pas de ramassage des ordures, pas de voirie, rien ! »
Des promesses leur avaient pourtant été faites à plusieurs reprises mais jamais rien bougé. En outre des tensions existent entre divers secteurs. En 1995, les résidents avaient construit eux mêmes les canalisations d'adduction d'eau ; il y avait un seul compteur pour 85 familles qui ont bénéficié de l'eau pendant 20 ans. Mais en 2015 on leur a coupé l'eau car il y avait une dette de 19 millions : certains refusaient de payer, il y avait des fuites sur le réseau, du "piratage", des adductions coupées pour voler l’eau, et en plus parfois une gestion frauduleuse.
Depuis 5 ans ils n'ont plus d'eau. Ils vont toutes les semaines remplir des bidons à la source de Plum au Mont Dore ; ceux qui n'ont pas de voiture vont à pied à plus de 3 km, au parc de la piscine de Koutio et reviennent le long de la voie rapide avec une brouette chargée de bidons.
Une nouvelle association, "Océanien Pacifique", a été validée par la DIRAG le 12/06/2017. Son objectif principal : l’accès à l'eau potable pour de meilleures conditions de vie. Elle regroupe les 40 à 50 habitations situées sur la commune de Nouméa, soit la partie sud du « Caillou Bleu ». Son président est Gaël Nomaï.
D. RÉSORBER LES SQUATS OU LES AMÉNAGER ?
Pour nous, la vraie question qui se pose est de savoir comment intégrer progressivement ces zones d'habitat spontané dans la ville, comment les mailler et les transformer en quartier, tout en encourageant la participation des habitants dans cette reconstruction.
1) DES POLITIQUES FLUCTUANTES
Malgré les polémiques, les recours juridiques et les désaccords politiques, les aménagements du squat "Kawati" ont permis à sa population d'améliorer ses conditions de vie.
Mais le vent a ensuite tourné, et cette expérience "pilote" de réhabilitation sur place n’a plus semblé d’actualité, la préférence allant à la ‘résorption’ des squats plutôt qu’à leur aménagement.
L’urbaniste François Serve déclare : « On a fait des aménagements mais les habitants sont toujours dans des cabanes. Les gens doivent s’acquitter d’un loyer pour ces travaux, mais la majorité ne paie pas ». « Et en même temps, on les a laissés comme ça sur place. C’était bien d’essayer, mais tout le monde est d’accord pour dire que le retour d’expérience est plutôt négatif ».
2) ABANDONNÉS PAR LES INSTITUTIONS ?
Les pouvoirs publics, reflets d’une majorité non océanienne, ont peiné jusqu’ici à tenir compte de l’organisation Océanienne, pourtant pleine de ressources ; et ces populations sont obligées de se couler dans des modèles qui ne sont pas les leurs. Marginalisés, exclus, ils se sentent condamnés à rester en périphérie.
La société urbaine ne les prend pas en compte car elles sont l’enjeu d'une confrontation entre la population "européenne" de la ville et les Océaniens au sens large (Mélanésiens et divers Polynésiens). Il y a une opposition sociale et ethnique, mais aussi culturelle de modes de vie et de conception de l’appropriation du territoire. Les squats sont perçus par les "privilégiés" comme une menace sur le principe de la propriété privée et une arrivée illégitime des océaniens dans la ville.
Les ‘squatteurs’, eux, revendiquent le droit de bénéficier des infrastructures, capacités et ressources de la ville dans laquelle ils travaillent, souvent comme prolétaires indispensables, et participent largement à la construire et à la faire vivre par leur main-d’œuvre malléable (emplois que d’autres ne voudraient pas, nombre de CDD...) et bon marché (le SMIC est ici inférieur à celui de la Métropole alors que le coût de la vie y est supérieur, et le niveau d’inégalités des revenus est ici le double de celui de la France, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande).
La construction de la ZAC Kaméré par la Province Sud illustre des perceptions négatives voire de craintes pouvant aboutir à de véritables maltraitances. L’emplacement était occupé depuis près de 10 ans par 13 familles. Le comité de pilotage n’a su proposer qu'un relogement précaire dans des ‘cages à poules’ (45 m2 pour des familles de 6 personnes en moyenne) avec des blocs sanitaires parfois à plus de 30m, non pourvus d’électricité. Face au refus légitime des 13 familles, CRS et GIPN sont intervenus militairement.
En fait, sous la pression du pouvoir économique "en-place" qui considère inconvenante l'arrivée des populations océaniennes en ville, les pouvoirs publics ont refusé de prendre le problème à bras le corps.
Ainsi, les grands projets concernent peu les autochtones. Et il n’y a pas de base commune et de volonté politique d'aménager le territoire pour fonder "une communauté de destin".
Jusqu’ici, et paradoxalement, le discours officiel annonçait régulièrement la suppression des squats, tandis que la pratique tendait à pérenniser leur présence.
Le sentiment que la province sud est gérée en dehors des Océaniens, parfois même contre eux, est général et provoque naturellement des réactions antagonistes.
3) LES ENJEUX D'AMÉNAGEMENT ET LA 'RECONQUÊTE' DE LA VILLE
La restructuration de l'habitat spontané devrait être une priorité politique sans que l'absence de titre de propriété de ses habitants soit un frein. La Nouvelle-Calédonie, compétente en droit de l'urbanisme, la Province Sud compétente en logement social, les coutumiers concernés compétents en foncier clanique, et les Mairies devraient mettre en œuvre des actions communes de réhabilitation.
L'expérimentation de 2011 à 2014 dans la zone de Kawati pourrait être reprise et améliorée en restituant le foncier public aux « propriétaires » actuels, aux clans légitimes, voire aux GDPL.
Il convient de faire mention de ce que l’espace dit urbain était originellement clanique, et que la mémoire Kanak de ces lieux reste vive, malgré l’histoire, faite de nombreuses morts par maladie, puis de clans repoussés et pour certains installés près de la ville hors de toute règle coutumière. Le processus de reconquête des espaces délaissés, auxquel est attachée l'identité ancestrale des clans, n’a certes pas atteint son terme, mais il avance inéluctablement.
La réapparition des Kanak dans la ville, et celle d’autres océaniens, marque une nouvelle étape qui ne revêt plus seulement des enjeux identitaires mais aussi des enjeux politiques forts. Le développement du travail salarié en milieu mélanésien a favorisé un mouvement de population des campagnes vers la ville, essentiellement vers le grand Nouméa.
Pour l'instant, les demandes s’orientent surtout vers l’amélioration des conditions sanitaires et de vie. Mais il est impossible de dire si cette situation perdurera. On peut en effet concevoir que dans un avenir plus ou moins proche, les mobilisations coutumières et politiques de ces enclaves puissent s'ordonner autour de l’identité mélanésienne et océanienne attachée à la reconquête de la ville, comme cela s’est manifesté par exemple lors de l’épisode autour du Mwa Ka.
Ici, comme dans l'ensemble de la Mélanésie, les mouvements nationalistes se sont unifiés autour des problèmes de la terre, de la liberté, de l'identité et de la conscience.
Nouméa, pendant longtemps « épargnée », est devenue le lieu ultime où se cristallisent les conflits qui agitent la société calédonienne, et l’investissement de la ville par les océaniens, espace par excellence de la concentration du pouvoir, est lourd de symboles.
Dans le grand Nouméa, le rééquilibrage des financements en faveur des quartiers populaires, des quartiers nord-ouest en particulier, devrait permettre à ces secteurs défavorisés d'être (presque) aussi bien équipés, propres et sécurisés que ceux du sud-est de la ville.
4) COMMENT AMENAGER CES TERRITOIRES ?
a) Le mode de vie océanien
Jusqu’à maintenant, les squats étaient perçus dans la perspective sociale d'un urbanisme "à l’occidentale", et le problème qu'ils posaient était assimilé à celui que connaît une ville française confrontée aux difficultés du logement social, celui des bidonvilles.
Cependant, les familles océaniennes ne peuvent pas adopter ce mode de vie et ne peuvent pas s’épanouir en appartements. Dans un immeuble aucune identification n'est possible; ce sont des lieux sans ancrage où on empile les gens. Les Kanak ne sont pas faits pour vivre dans des buildings, ils ont besoin d'espace, de ‘dehors’ et de jardins. En Océanie, quand vous recevez quelqu’un, c’est dehors, sous la véranda, on ne rentre pas dans la maison. En Océanie, les fenêtres sont ouvertes, et ne donnent pas sur un voisin immédiat et inconnu. Et ce voisin a une relation spécifique avec vous. Bien des Calédoniens sont déjà, à cet égard, devenus océaniens.
Mais ce modèle là, les différentes instances concernées ne semblent pas en vouloir. Pourtant si Nouméa doit devenir, un jour, la capitale d'une Nouvelle-Calédonie "arc-en-ciel" c’est-à-dire multiculturelle avec une communauté de destin, on devra tenir compte de ces expériences de socialisation et créer une urbanisation dans laquelle les océaniens en général pourront se ré-ancrer.
b) Une urbanisation à repenser.
Les plans d'urbanisme actuels sont inadéquats car ils ne tiennent pas compte des réalités locales. Pire, sans liens, sans ancrage, ils forgent des identités d'exclusion. Quand les gens sont enfermés dans des structures où ils ne sont pas bien, cela génère du désordre social. Empiler la population sans cohérence entraîne automatiquement des tensions internes. On crée la marginalisation, la promiscuité, des dérèglements familiaux, de la délinquance et de la violence.
Comme il ne saurait être question de supprimer les habitats spontanés pour entasser leurs populations dans des immeubles, il apparaît que ces lieux doivent être repensés et réaménagés en améliorant en priorité le confort sanitaire des familles qui y vivent (eau courante, électricité, assainissement et collecte des ordures ménagères), puis l’organisation sociale globale.
c) Construire une ville océanienne
Aujourd’hui, il faut penser différemment. Un peu dans le sens du fier slogan de Boulouparis (« une ville à la campagne »), et créer une « tribu à la ville »...
Plutôt que de continuer à juxtaposer des communautés dans des cages-à-poules, les pouvoirs publics devraient s'orienter vers un habitat urbain avec une dimension multiculturelle en cohésion.
Plutôt que de juxtaposer des antagonismes, si on veut que cette société ait un destin commun, on doit créer une socialisation commune en facilitant les réseaux familiaux et de solidarités dans une ville aux codes océaniens.
Les espaces le permettent. Ainsi, tout comme on prévoit des emplacements de parking en urbanisme, on doit prévoir des espaces agricoles pour chaque groupe homogène. Et pour créer de la sociabilité, rien de mieux que de consulter les populations : les gens ont des idées, leurs idées pour leur vie.
Pour limiter les effets de ségrégation, les politiques publiques doivent intégrer la notion de mobilité des populations dans l'aménagement du territoire : elles doivent planifier et accompagner ces mobilités, améliorer les routes et les transports, organiser des services sociaux et culturels adaptés.
E. LE PROJET DE LOI DE PAYS
1) LES TEXTES
a) Contexte
Hasard ou pressentiment, il se trouve que notre dossier, élaboré depuis 2019 à ce jour, était quasiment terminé quand nous avons appris le dépôt au Congrès, le 22 septembre 2020 par le groupe UC-FLNKS et Nationalistes et L'Éveil Océanien, d’une proposition de Loi de pays visant à restructurer l'habitat spontané dans le grand Nouméa.
Ce projet consiste à améliorer les conditions de vie des habitants par la réalisation d'aménagements ou d'équipements publics dans un but d’intérêt général : desserte par les services et les réseaux publics (voirie, eau et électricité), sanitaires collectifs, points de dépôts et collecte des ordures ménagères, etc.
L'attribution de titres de propriété consisterait, plutôt qu'à morceler et individualiser la terre, à restituer le foncier aux clans légitimes (ou GDPL dédiés pour aider à l'association des clans), charge pour eux de faire établir des baux emphytéotiques (de très longue durée) et de mettre en place une politique d'autoconstruction encadrée.
b) Références du projet de loi du pays n° 42 du 22.09.2020 déposée par le Groupe UC-FLNKS et Nationalistes et l’Éveil Océanien (cliquer) :
- 1- Exposé des motifs de la Proposition de loi du pays
- 2- Texte de la Proposition de loi du pays
2) CONCLUSION
A moins de deux ans de l’ultime référendum, les planètes pourraient bien enfin s’aligner pour que la solidarité et le partage aient droit de Cité .. Océanienne : les indépendantistes, avec les partis Océaniens, voire d’autres, pourraient bien trouver une majorité qui s’y attellerait intelligemment.
Parallèlement, nous constatons que les coutumiers comme les squats eux-mêmes via leurs associations semblent s’organiser et se regrouper, afin d'apporter leurs propositions et de prendre ainsi leur part du travail auprès des organismes publics et des autorités politiques, pour le bien-être des communautés.
C’est tout le bien que nous leur souhaitons.
La rédaction de LINDEPENDANT-KNC
Nouméa, le 31/12/2020
habitat social squat Nouville cabanes
Commentaires
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- 1. Béatrice Le 22/01/2021
Les Squats, c’est un NOM qui justifie l’humain à un lieux, mais il ne faut oublier que – vivre en SQUAT, cela revient à moins dépenser – et la culture est à côté.
Moi par exemple, j’ai un bon travail, mais je préfère aller habiter à un Squat à Nouméa, car je ne veux plus dépenser dans le système qui utilise l’augmentation en % pourcentage.
Aujourd’hui, on ne travaille que pour le système, mais en squat -, on est comme dans un tribu – village etc….
Déjà, lorsque le système nous recommande d’habiter en étage, mais NOUS OCEANIENS, nous ne sommes pas des pigeons déjà.
Habité en squat c’est comme habiter en Campagne
Merci de respecter nos façons de vivre.
J’ai vu à la télévision, comment cela parle de Squat – mais c’est faux.
Moi je préfère cuire mon taro/mon poisson pour manger sur le feu de bois, car le goût est plus sucré que le four
Mais j’ai un four mais je l’utilise seulement quand il pleut .
Encore merci de ne pas parler de Squat comme quelque chose de mauvais.
Excusez moi pour mes points de vues et merci de ces documents SQUATS 2021 -
- 2. Michel Le 22/01/2021
Pour enrichir le débat, il serait intéressant que les résidents des ces habitats précaires donnent leurs avis et fassent des propositions.
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